C’était le 30 mars 1719 en soirée. Le curé de Pleyber-Christ note dans le registre des Baptêmes-Mariages-Sépultures : ‘’Comète veü en 1719 le 30è mars à 7 h du soir. Elle consistait en un grand éclair, suivi d’une espèce de queüff de cheval ardente du côté du nord et qui a duré un quard-heure après l’éclair.’’ (revue du Centre Généalogique du Finistère – le Lien n° 42 p.16).
Une recherche via Google me fait découvrir le passage d’un célèbre bolide dans le sud de l’Angleterre, le 19 mars de la même année. Il s’agit en réalité du même événement. Le calendrier grégorien, adopté en France en 1582, n’a été appliqué en Angleterre qu’en 1752. En 1719, les anglais utilisaient encore le calendrier julien et celui-ci avait 11 jours de retard par rapport au notre.
Ce bolide est remarquable car l’astronome Edmond Halley – celui qui a donné son nom à la célèbre comète -, l’a étudié et a été l’un des premiers savants à se rendre compte de la nature de ces objets célestes. Son étude est relatée dans le numéro 360 des Transactions Philosophiques de 1719 (article n°7, pages 419-446). La traduction française est intitulée « Relation d’un Météore surprenant qui a été vu par toute l’Angleterre le 19 de Mars 1719 avec une Démonstration de sa hauteur extraordinaire ; par M. Edmond Halley, Docteur en Droit, & Secrétaire de la Société Royale. »
Selon des témoignages, il aurait été aperçu depuis l’Écosse, l’Irlande, les Pays-Bas et même depuis l’Allemagne et l’Espagne. Grâce à certains d’entre eux, Edmund Halley a pu estimer sa vitesse (8 km/s), sa hauteur (100 à 110 km), ainsi que sa trajectoire reproduite ci-dessus. En certains endroits, son éclat était comparable à celui du soleil bien que son disque ait semblé plus petit : on se serait cru en plein jour alors que le soleil était couché.
Il est amusant de noter que de nombreux témoignages faisaient état d’un sifflement accompagnant le bolide. Halley, qui connaissant la vitesse de propagation du son (inférieure à celle qu’il avait estimée pour l’engin), déclara que c’était impossible. Le sujet semble encore polémique de nos jours bien qu’une explication ait été proposée, il y a un peu plus d’une trentaine d’années. Il s’agirait d’un effet baptisé électrophonique : la stimulation directe de l’oreille interne par les ondes électromagnétiques engendrées par le bolide entrant dans l’atmosphère.
Dans son étude, Halley cite successivement les villes de Presteigne, Cardiff, Minehead, Tiverton… comme ayant été survolées par le bolide. « A Brest, en Bretagne, il fit un fracas effroyable et l’on en doit conclure que ce fut là que se fit la seconde décharge » peut-on lire dans la traduction de son étude (page 425).
Mais où des fragments de ce bolide ont-ils pu bien tomber ? En mer ou à terre près de chez nous en Finistère ? Mystère !
En novembre 2016, Jacques Le Maguer écrivait le commentaire suivant :
Bonjour, je tombe sur votre contribution en cherchant confirmation d’un événement céleste dont parle la princesse palatine (femme de Monsieur, duc d’Orléans, frère de Louis XIV, dans une lettre d’avril 1719. « Une lueur qui a illuminé la nuit pendant environ 1/4 heure »; Elle était à Versailles.
Bien à vous.
Je ne comprends pas que ce commentaire ait disparu de mon blog.
Après avoir publié cet article, j’ai approfondi mes recherches sur le sujet. J’ai notamment trouvé ce témoignage dans La Gazette de Lisbonne :
Dieppe le 30 mars 1719 … à Dieppe, un phénomène a été observé par beaucoup de gens qui se promenaient le long de la plage, et qui étaient comme transportés par un vent du Nord ; ce phénomène ressemblait à une colonne de feu qui émettait une très vive lumière, laquelle s’approchant de la ville a explosé avec un bruit pareil à trois tirs d’artillerie et tomba défaite en fumée, sur les murailles, sans faire aucun mal…
Faut-il penser que d’autres morceaux de cette météorite sont tombés à plusieurs centaines de kilomètres de distance ?
Sur le site Web des archives de l’observatoire de Paris, on trouve des échanges de courriers entre l’astronome Joseph-Nicolas Delisle et ses correspondants en province, à propos de cet événement. Il apparaît qu’à Paris, le bolide avait une grosseur d’environ la moitié du diamètre apparent du soleil. Cela correspond à une boule de feu d’environ 2 km de diamètre si celle-ci se trouvait au dessus de Brest. Cela ne veut, bien entendu pas dire que la météorite avait cette taille mais elle devait quand même être importante.
Ordres de grandeur : la météorite de Chicxulub, qui serait à l’origine de la disparition des dinosaures, avait un diamètre estimé à 10 km. La météorite qui a formé Meteo Crater aux Etats-Unis ne mesurait que 50 mètres de diamètre. Le superbolide de Tcheliabinsk tombé en Russie en 2013, mesurait 15 à 17 mètres de diamètre. Quel pouvait bien être le diamètre du bolide de 1719 ? Il est fort probable qu’il soit tombé en mer.
Toujours dans la correspondance de J.-N. Delisle, on trouve les écrits de M. De Launoy, de Rennes, qui disent que le ciel avait été extraordinairement lumineux à l’ouest.