Dimanche, l’excellente émission 3D, sur France Inter, était consacrée à l’autodéfense intellectuelle. Je vous invite à la ré-écouter. C’est, en quelque sorte, une question de salubrité publique. Je reviendrai plus tard sur le sujet parce qu’il me passionne. En attendant, l’article de l’AFP, rapportant aujourd’hui une étude de l’ENTSOE qui prédit que l’éclipse de soleil du 20 mars prochain mettra à l’épreuve le système électrique européen, m’interpelle. Une occasion de passer à la pratique.
L’ENTSOE est l’association des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité interconnectés d’Europe. C’est un organisme sérieux mais l’information relayées par les médias n’est peut-être pas objective. L’ENTSOE ne serait-elle pas photovoltaïquophobe ?
Ma première réaction a été de me réjouir. Si ce que l’étude dit est vrai, alors la transition énergétique a eu lieu : nous produisons tellement d’électricité photovoltaïque que ses variations, mal prises en compte – pourquoi une éclipse serait-elle moins bien prise en compte que la nuit ? -, peuvent causer des pannes !
Mais je plaisante ! Je doute que produisions suffisamment, à l’heure actuelle, pour qu’un tel événement se produise. Voyons voir. L’étude nous indique que, en ciel clair, la perte due à l’éclipse sera de 35000 MW (cf. les courbes tirées de l’étude). Selon la Wikipedia, le parc photovoltaïque installé en Europe était d’environ 80000 MWc en 2013 (36000 en Allemagne, seulement 4700 en France).
Compte tenu du fait que :
- l’éclipse sera partielle,
- le soleil ne sera pas occulté de la même manière partout en Europe en même temps,
- la totalité du parc installé n’est pas idéalement orienté/incliné,
… une perte de 35000 MW vers 9h40 UTC le 20 mars, semble cohérente. Ceci dit, il s’agit de conditions idéales : un ciel clair sur toute l’Europe ce matin-là.
Il faut savoir que les jours maussades, une installation photovoltaïque peut produire 10 fois moins d’électricité que les jours de ciel clair. Quelle sera la situation météorologique le 20 mars ? Il est trop tôt pour le savoir. Mais la probabilité pour qu’il y ait un ciel clair partout en Europe, en même temps, est peu probable. Ce serait une situation exceptionnelle.
Soyons généreux et considérons qu’en moyenne, il y aura une perte de 18000 MW soit un peu plus de la moitié de ce qui serait perdu par ciel clair. Selon les chiffres de l’ENTSOE et après un petit calcul, il s’avère que la puissance électrique moyenne consommée en Europe au mois de mars 2014 a été de 300000 MW environ : 65000 MW pour la France et pour l’Allemagne, 45000 pour le Royaume-Uni, 30000 pour l’Espagne et l’Italie. Il s’agit ici de moyennes de jour comme de nuit.
Autrement dit, la variation due à l’éclipse serait de l’ordre de 6%. Sur le site de RTE, réseau français de transport d’électricité, on peut suivre heure par heure notre consommation électrique nationale. On peut constater qu’entre 19h30 et 22h00 ce soir, 24 février, nous sommes passés de 77540 à 68270 MW en puissance consommée, soit une variation de 12%.
Tous les jours, le réseau gère de telles variations – et il y en a d’autres au cours d’une même journée. Et le réseau serait incapable de gérer une variation deux fois plus faible ? Que veut-on nous faire croire ?
En novembre dernier, Dominique Maillard, président de RTE, estimait que l’impact sera minime si le temps est couvert mais qu’on pourrait voir disparaître 30000 MW si le temps est clair (La Chaîne Énergie). Autrement dit il y aura un problème si le photovoltaïque ne produit pas l’électricité qu’il aurait pu produire en l’absence d’éclipse : du grand n’importe quoi.