De retour d’une balade faite aujourd’hui dans la presqu’île de Crozon, je me remémore ce que m’a appris Neroman, autre chercheur de la Chouette d’Or, il y a quelques jours : une scène du septième tome des Aubreyades de Patrick O’Brian se déroule dans les parages. A la suite d’une tempête, le navire anglais Ariel, commandé par Jack Aubrey, est pris en tenaille entre deux rangées de hauts fonds.
A noter que les premiers tomes des Aubreyades ont été portés à l’écran par Peter Weir dans l’excellent film Master et Commander : de l’autre côté du monde. Russel Crowe joue le rôle du commandant Jack Aubrey.
Malgré un nom qui semble avoir été inventé par l’auteur du roman (Gripes Bay), la description du lieu de l’action est tellement détaillée que l’on peut la situer aisément. Dans la traduction française, il est écrit :
Il ne voulait pas de dérive avant de savoir où ils se trouvaient : soit sur Ouessant, soit sur la côte française – dans l’un comme dans l’autre cas son estime l’avait situé cinquante milles au nord de sa vraie position, et beaucoup trop à l’ouest, mais il fallait savoir.
Brisants devant! rugit la vigie d’étrave.
Jack courut à l’avant, observa la longue ligne de blancheur qui se dégageait rapidement: un second banc de roches barrait leur route vers l’ouest le nord, leur chemin vers la pleine mer, ligne continue qui semblait s’achever loin à tribord en un cap indistinct.
L’écueil se précisa, il vit des rouleaux briser loin au large, une largeur immense de brisants mortels.
Ils étaient dans ce que les Anglais appellent Gripes Bay, la baie des coliques, entre les Tas de Pois et le cap de la Chèvre, et très profondément enfoncés : l’Ariel avait réussi on ne sait comment à se frayer un chemin entre les deux basses rocheuses principales pendant la nuit, sans jamais toucher l’un des innombrables rochers éparpillés entre elles.
Il regarda par-dessus le couronnement: la batterie de Camaret était là, à un mille à peine, redoute haut perchée au-dessus de l’extrémité nord du banc; elle avait été réparée et les soldats ne tarderaient pas à se réveiller et à ouvrir le feu.
Le seul moyen de s’en sortir était de courir sud, tribord amures, de frôler la basse intérieure vers la roche dénommée le Bouc, tout près du bras sud de la baie, pour pouvoir virer, tirer bâbord amures vers le banc de roches extérieur et revenir tribord amures afin de doubler le cap de la Chèvre et trouver la sécurité.
Le traducteur s’est trompé en précisant, à propos de Gripes Bay : « entre les Tas de Pois et le Cap de la Chèvre« . Dans la version originale, il est seulement écrit :
… Already the day was coming, with light over the land: the rain stopped abruptly, the thick haze swept off the sea, and he knew where he was. It was worse than he had thought. They were in what the Navy called Gripes Bay, deep in Gripes Bay: the Ariel had somehow contrived to make her way between the two main reefs in the night, never touching any of the countless rocks that lay scattered between them. It was a vile bay, open to the south-west, never frequented by the ships of the inshore squadron -bad holding ground for anchors, ugly sharp rocks to cut cables, reefs wherever you looked…
L’Ariel se trouve en fait entre la Basse de la Parquette et le Trépied, au nord, les basses du Lis et de Rozen, qui prolongent les Tas de Pois au sud (cf . carte ci-dessous). Le banc de roches qui lui barre le chemin au nord-ouest, est celui qui va de la Parquette à la Pointe du Toulinguet. La « batterie de Camaret« , dont il est question, se trouve sur la falaise, à la Pointe du Toulinguet, en haut de la carte. L’Ariel s’échappe par le sud, en frôlant les basses du Lis et de Rozen, en direction du Bouc que l’on voit au bas de la carte.
Par la suite, il s’échouera entre les Tas de Pois et le Cap de la Chèvre… d’où la confusion du traducteur.