La loi de transition énergétique du 17 août 2015, prévoit entre autres, de porter :
- la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% à l’horizon 2025. En 2014, cette part s’élevait à 78% ;
- la part des énergies renouvelables à 23% de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 30% de la consommation finale brute d’énergie en 2030.
Il y a une dizaine de jours, le ministre de la transition écologique a annoncé que l’objectif de ne plus avoir que 50% de notre électricité d’origine nucléaire en 2025, ne sera pas atteint. J’ai voulu voir les chiffres et les comparer à ceux de l’Allemagne, pour tenter de comprendre ce qui ne va pas.
Les graphiques ci-dessous ont été construits à partir des chiffres de l’Energy Information Administration (EIA). Ils montrent l’évolution de la production d’électricité depuis l’année 2000, selon les filières, pour la France et l’Allemagne. Les deux premiers graphiques montrent la répartition de la production en térawatt-heures (TWh), d’année en année. Les deux suivants montrent la répartition en pourcentages par rapport à la production totale.
Sur les deux graphiques ci-dessus, on peut voir que les productions totales de nos deux pays sont du même ordre de grandeur : 540 TWh pour la France, contre 590 TWh pour l’Allemagne, en moyenne par an, au cours des dix dernières années. Par contre :
- l’origine des énergies utilisées est très différente. Au cours des dix dernières années, la France a produit 415 TWh d’origine nucléaire et 45 TWh d’origine fossile, en moyenne par an, contre 115 TWh et 350 TWh pour l’Allemagne, respectivement ;
- la part des énergies renouvelables a significativement augmenté en Allemagne au détriment du nucléaire. Et cette tendance s’est accentuée après l’accident de Fukushima, en 2011. L’augmentation de la part des énergies nouvelles dans le mix énergétique français n’a, par contre, eu aucun impact significatif sur les autres énergies.
En 2015, l’Allemagne a produit 155 TWh d’électricité d’origine renouvelables de plus qu’en 2000. L’accroissement n’a été que de 30 TWh pour la France. Dans le même temps, l’Allemagne a produit 75 TWh de moins d’origine nucléaire. La France, elle, a produit environ 15 TWh de plus, par an, en 2013-2015 qu’en 2000-2002.
En pourcentages, on note :
- une faible évolution pour ce qui concerne la France. La production d’électricité d’origine nucléaire oscille entre 75 et 80% de la production totale. L’augmentation des énergie renouvelables, hors hydraulique est passée de 1% en 2000 à 7% en 2015. Elle a été partiellement compensée par une diminution des énergies fossiles (passées de 9% à 6%) ;
- une nette augmentation de la part des énergies renouvelables en Allemagne, au détriment du nucléaire. Au rythme actuel, ils pourraient ne plus avoir de centrales nucléaires d’ici 2025. Il va cependant falloir qu’ils songent à réduire la part des énergies fossiles dans leur mix énergétique pour diminuer leurs rejets en CO2.
Comment se fait-il que nous puissions pas faire aussi bien que les allemands en matière d’énergies renouvelables ? Le graphe ci-dessous montre l’évolution des trois filières sous-jacentes (solaire, éolien et bioénergies), en France et en Allemagne.
Au cours de cinq dernières années :
- l’Allemagne a produit chaque année en moyenne, 17 TWh d’électricité d’origine renouvelable de plus que l’année précédente (8 TWh pour le solaire ; 5,5 TWh pour l’éolien et 3,5 TWh pour les bioénergies) ;
- la France n’a produit chaque année que 3,5 TWh d’électricité d’origine renouvelable de plus que l’année précédente (2,3 TWh pour l’éolien et 1,2 TWh pour le solaire).
Sachant que nos 58 centrales nucléaires fournissent chaque année en moyenne, 415 TWh d’électricité par an, une seule produit un peu plus de 7 TWh. Cela signifie, qu’au rythme actuel, il n’est pas possible de fermer plus d’une centrale tous les deux ans en France, contre plus de deux en Allemagne.
En supposant que la consommation électrique ne varie pas au cours des prochaines années… pour abaisser à 50% la part du nucléaire, contre plus de 75% aujourd’hui, il va falloir produire, au minimum, 150 TWh d’électricité d’origine renouvelable de plus qu’aujourd’hui. Cela correspond à :
- 15 TWh d’augmentation par an jusqu’en 2025 ;
- ou 10 TWh d’augmentation par an jusqu’en 2030 ;
- ou 7,5 TWh d’augmentation par an jusqu’en 2035.
Au rythme actuel, on est loin du compte, même en ayant un objectif à 2035. Si l’on avait le même rythme qu’en Allemagne, l’objectif de 2025 serait atteint.
Si on arrive pas à faire aussi bien qu’en Allemagne, c’est que la France n’investit pas autant dans les énergies renouvelables qu’elle le devrait. L’électricité produite à partir des énergies renouvelables est pourtant aujourd’hui moins chère que celle d’origine nucléaire : 62 € le MWh solaire et 80 € le MWh éolien terrestre, contre 120 € le MWh de l’EPR de Flamanville, selon un article du Figaro publié en mars 2017.